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Retour d'expérience

J'ai repris mon métier voilà maintenant plus d'un mois. Je suis ravie d'avoir opté pour le travail en clinique de soin de suite. Cela me remet bien le pied à l'étrier, je represcris (chose que je n'avais plus faite depuis longtemps) mais je ne suis pas seule en cabinet, j'ai des collègues et une équipe autour de moi. Le job est ce à quoi je m'attendais, en tout point. Mais à la médaille il y a toujours un revers, ou au coup droit, c'est selon. La perfection n'étant pas de ce monde, je dois supporter, alors que je viens de commencer... la pression d'un groupe privé, via la directrice d'exploitation.

Le caca, le vomi, les escarres, les glaires, les familles en difficulté avec leurs parents, qui essayent de me manipuler pour que je les garde le plus longtemps possible, les patients qui agonisent, les soignants qui souffrent, les moyens qui manquent... je connais, j'accepte, c'est MON job. Mais la pression envahissante et inutile, celle dont je n'ai pas besoin pour effectuer correctement mes tâches... je ne supporte pas.

J'ai senti dès le début que j'étais la propriété du groupe, et que je devais être rentable. Je n'ai plus aucune naïveté sur ce point, depuis que j'ai exercé dans un autre groupe privé. Je connais (modestement) les rouages du management actuel. En quelques jours, la directrice m'avait répété une bonne dizaine de fois les mêmes faits sur les objectifs, le chemin qu'elle avait parcouru pour redresser l'établissement et ce qu'il restait à accomplir. Il y a une chose en ce monde qui a le don de me hérisser le poil et de me faire grincer les dents, et cette chose est ... suspens... roulement de tambour... qu'on me répète plusieurs fois les mêmes choses. En général, une fois me suffit. Et puis les réunions se sont succédées. Au moins une par semaine, en plus des réunions avec les soignants. Les réunions avec les administratifs portent des noms exotiques, les codir, copil, codir-e... Les trois ou quatre informations qui y sont diffusées pourraient l'être en 10 minutes, et c'est pendant plus d'une heure que l'on vous tire de votre obligation réelle, celle pour laquelle vous avez signé... être auprès du patient.

Un vendredi, environ trois semaines à peine après mon arrivée, le coup fatal m'avait déjà été asséné. C'est rapide, en effet ! Le couperet était tombé, je devais me rendre à Paris pour deux journées d'intégration pour les médecins. La directrice m'aurait annoncé que mon foie allait être soigneusement retiré de mon bide pour être servi en carpaccio à des requins, que je n'aurai pas plus stressé ! Atroce ! J'ai cru pleurer d'être déjà au pied du mur, confrontée sans ménagement à mes limites !

Mais contrairement à mon habitude, je n'ai pas tergiversé 107,5 ans. Je me connais, maintenant, je sais que je suis porteuse d'une particularité neurologique qui me prédispose à certaines incapacités. Je me suis résolue à ne pas prendre sur moi, pour ne pas m'épuiser d'emblée et laisser tomber mon poste dans quelques mois. Alors j'ai profité de mes "fulgurances matinales", c'est comme cela que mon conjoint les appelle, pour solutionner mon problème. J'ai décidé d'expliquer, à mes collègues médecins, quelle est ma particularité. Je souhaitais qu'ils le sachent pour que nous fassions corps ensemble contre la pression inutile qui broie les êtres comme moi. Ils ont compris, mais je m'en doutais, si j'avais décidé de rester après les premières semaines, c'est aussi grâce eux, à leur professionnalisme et leur humanité. Lui connaissait un peu, elle pas du tout, mais elle s'est beaucoup reconnu dans mes difficultés. Je suis hyper-satisfaite de m'être révélée telle que je suis aux deux personnes qui occupent la même fonction que moi, et je suis encore plus hyper-satisfaite de leur réaction bienveillante.

J'ai également pris la bonne résolution de régler dès le début certains détails. Je ne vouvoie pas (sauf mes collègues médecins), je ne fais pas la bise, je ne déjeune pas avec le staff (mais je ne suis pas la seule, alors ça passe sans que j'ai à me justifier). Ah, oui, j'allais oublié ! J'ai osé dire NON pour les journées d'intégration, justifiant de ma charge de travail, justification sincère et honnête, je n'arrive pas à mentir... mais je suis également incapable de dire "je n'irais pas me pavaner à Paris avec des inconnus en souriant à pleines dents, une coupe de champagne à la main, c'est la pire chose que la vie puisse m'infliger !".

Parce que pour ce qui est d'informer ma directrice de mon autiste potentiel, c'est impensable. Elle a dit devant moi, en parlant d'une paramédicale, "elle est autiste", là où je vois une personne discrète et digne. Cette même dignité qui lui est inconnue et qui consiste à ne pas infliger ses angoisses à ses collaborateurs... car, je l'ai bien compris, ma directrice est stressée, pressurisée comme une cabine de pilotage... espérons qu'elle ne nous projettera pas contre une montagne !

Humainement votre !

Tag(s) : #Travail et autisme, #Travail et Asperger
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